On dit que les plus belles histoires commencent par il était une fois. Je ne sais pas si mon histoire est digne d'être contée mais je trouve que cela donne une petite touche de magie.
Il était une fois, donc, un charmant petit couple qui s'aimait très fort. L'un était un riche aristocrate américain portant le nom de Morgan Evans, descendant d'une très longue lignée dont le berceau familial se situait dans le duché de Devonshire au Royaume-Unis et d'une demoiselle roturière nommée Sheena Langshire, d'une intelligence vive, originaire d'Angleterre venue enseigner en Amérique.
Du fruit de leur amour est né un enfant, moi, Gabriel Pharell Evans et j'aurai pu passer une enfance paisible aux côtés de mes parents aimant, dans un cadre idyllique. Seulement comme dans tous les contes, rien ne se passe jamais comme prévu.
De mes parents, je n'ai pratiquement aucun souvenir. Je n'ai pas grandi auprès d'eux et j'étais bien trop jeune lorsque je les ai perdus.
Le mot perdre peut avoir plusieurs définitions qui se rejoignent sur le sens :
- 1) Être privé de quelque chose ou d'un avantage qu'on possédait.
- 2) Cesser d'avoir, ne plus avoir.
- 3) Égarer un objet, faire un mauvais emploi
- 4) Se perdre : Disparaître.
En ce qui me concerne, les définitions 1, 2 et 4 font échos. Mes parents avaient passés la soirée au restaurant et ma mère me donnait la main. Nous retournions à notre voiture quand au tournant d'une ruelle, cet homme est apparu. Je ne me souviens pas de son visage mais dans mes cauchemars pendant longtemps il est revenu me hanter. Cette nuit-là, pour un portefeuille, un sac à main et quelques bijoux, mes parents ont perdu la vie. Quant à moi, je ne dois mon salut qu'à l'arrivée d'un groupe d'amis qui passaient par là et qui, par leur seule présence ont fait fuir l'homme-en-noir. J'avais trois ans. Quant au meurtrier de mes parents ? Jamais on a su son identité. L'affaire a été classée, mise sur le dos d'un sans-abris en besoin d'argent ou... d'un gang. Encore maintenant, les questions taraudent mon esprit mais j'ai peur de ne jamais avoir de réponses.
J'ai été confié à mon oncle et à ma tante maternels. Ma tante était la sœur de ma mère et elle aussi avait un fils. Mais ils ne furent pas vraiment un père, une mère et un frère pour moi. C'était plus des maîtres que je devais servir. Je suis presque certain que jamais ils n'ont aimé ma présence chez eux, j'étais ce fardeau dont ils ne pouvaient se défaire à cause du qu'en dira-t-on. Cela faisait tellement bien de dire à qui voulait l'entendre qu'ils avaient recueillis le fils de deux délinquants morts dans une bagarre de rue, un élan de pitié si pieuse... Une aide si désintéressée bien qu'ils reçurent de l'argent pour ' bien m'élever '.
Cet argent je doute qu'il ait un jour vraiment servi pour moi. J'ai grandi habillé des vêtements usés de mon cousin, jouant avec des jouets cassés dont il ne voulait plus. Des vêtements souvent bien trop grands, plus souvent qu'à leur tour rapiécés, mais c'était ainsi. Combien de fois ne m'a-t-on pas répété que j'avais de la chance d'être chez eux ? De ne pas avoir fini dans un orphelinat, d'avoir une famille... Combien de fois aussi ne m'a-t-on pas rabâché les oreilles sur la prétendue délinquance de mes parents ? Sauf que jamais ils ne l'avaient été et cela, je ne l'ai appris que bien plus tard. J'avais alors onze ans et le notaire de mes parents est venu me fait part de leurs directives à mon sujet. Leur histoire, l'inscription dès ma naissance dans une middle school privée et ma pré-inscription dans une high school de même nature, leur héritage que je pouvais ponctionner pour mes études le temps d'être majeur et de pouvoir entrer en pleine possession. La plupart de ces choses fut tu à mes relatifs car ils n'étaient pas concernés mais je pus entrer dans cette école privée et cela changea ma vie car elle était pourvue d'un internat. Ils étaient tellement heureux de se débarrasser de moi à l'année qu'ils sautèrent sur l'occasion et ne refusèrent pas mon départ.
Fini les brimades, les insultes et les obligations d'entretenir le jardin et de cuisiner alors que je pouvais à peine manger. Durant l'année scolaire, loin de mon cousin je n'étais plus poursuivi, je ne recevais plus de coups, c'était pour moi la liberté, un parfum inespéré de fraicheur. J'avais enfin un vrai lit et plus un simple matelas à même le sol dans un placard sous l'escalier et même si je partageais ma chambre avec trois autres enfants, c'était pour moi le paradis.
Ce n'était que durant les vacances que je devais rentrer... je redevenais alors ce petit garçon à l'éternel sourire de façade, cet elfe de maison qui devait se lever aux aurores pour préparer le petit déjeuner, nettoyer la maison et tout mettre en ordre avant le lever de ' sa famille '. Je redevenais cet homme à tout faire qui recevait au matin sa liste de tâche à réaliser pour la journée sous peine d'être privé de nourriture et ou de douche. Si j'ai reçu quelques baffes de mon oncle pour mon impertinence et parfois sans véritable raison, jamais par contre ma tante n'aura levé la main sur moi. Quant à mon cousin, j'étais son punching-ball attitré et il adorait avec ses copains faire la chasse au Gabriel. Heureusement, j'ai toujours couru très vite.
Lorsque je suis entré à l'université, je n'avais pas encore dix-huit ans, mais je savais déjà que mes vacances de Noël seraient les dernières vacances que je passerai avec ma famille. Cet hiver-là, je suis retourné chercher le peu d'affaires que je possédais et je les ai amené à ma résidence universitaire. Mes adieux aux miens ne furent pas laborieux, je crois que nous étions tous soulagés que notre vie commune s'achevait ainsi. La seule chose sans doute qu'ils ont regretté, c'est de ne plus avoir personne pour leur faire à manger et entretenir leur maison et leur jardin.
En 2022, la mère de mes meilleurs amis Cillian et Lilibelle est décédée d'un cancer. Cillian est parti faire un master à New York et sa sœur était partie travailler en France. Ce fut moi à cette époque qui soutint leur père,
@Eros J. O'Connor, l'invitant à des sorties, lui changeant les idées. Peu à peu entre nous les sentiments ont changé... enfin du moins de mon côté. J'ai commencé à le regarder différemment, et j'ai l'impression de surprendre son regard sur moi quand il pense que je ne regarde pas. Je ne sais pas si je peux y croire, je sais que ce serait difficile, que le regard sur nous sera sans doute jugeant, et que penseraient mes amis ? Alors je n'ose y croire, et pourtant j'y crois. Jamais encore il n'avait eu ce regard là.